Commission de l'Europe Centrale et Orientale

Serbie – Russie : une expérience de cœur…

En janvier 2023 la présidente de l’Association des professeurs de français de la région Amourskaya Olga Kukharenko a été invitée en tant qu’intervenante à l’Université d'hiver a Belgrade qui a été organisée par l’Association des professeurs de français de Serbie.

Nous vous présentons son témoignage sur cette expérience très enrichissante et intéressante.

 

« Quand Mirjana Radonic, la vice-présidente de l’Association des professeurs de français de Serbie, m’a proposé de participer à l’Université d’hiver pour les professeurs serbes en tant qu’expert, je suis restée perplexe et perdue l’espace d’une seconde. C'était tellement inattendu. Mais je lui ai tout de suite répondu « oui ! » tout en me disant « après je vais réfléchir comment faire ».

Évidemment, il est peu probable d’imaginer qu’une enseignante d’une petite ville provinciale russe soit invitée à un évènement de niveau national en Serbie ! Je réalisais clairement que cet engagement m’obligeait à bien me préparer aux ateliers pour les professeurs des écoles serbes. Il fallait trouver des idées originales pour être à la hauteur de la confiance du comité d’organisation de l’université d’hiver à Belgrade. Et si j’ai une bonne expérience dans la préparation des journées pédagogiques pour les collègues de notre région, j’ignorais totalement les pratiques de l’enseignement du français en Serbie. J’ai donc décidé de faire confiance à mon vécu, à mon expérience et à ma vision de ce qui pourrait intéresser les participants à la formation.

Nous connaissons tous les méthodes traditionnelles qui sont surement indispensables en classe de langue. Il fallait imaginer des approches interactives et ludiques pour impliquer les collègues dans des activités dynamiques et leur proposer de se mettre dans la peau de leurs élèves, car, comme disait Benjamin Franklin : « Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends ». Et puisque dans le tourbillon quotidien du travail, nous avons peu de temps pour chercher de nouvelles méthodes pour chaque cours, mon idée était de proposer aux collègues serbes un éventail des séquences qu’ils pourraient garder « sous la main » dans leur arsenal didactique. Ils pourraient au besoin, utiliser tel ou tel exercice en classe pour remplir une pause, éveiller l’intérêt des élèves ou diversifier leur travail.

Pour le volet didactique, j’ai élaboré deux ateliers. Le premier était consacré à la réalisation de l’approche communicative en classe de français : «de la communication didactique à la communication authentique». Les activités proposées visaient la facilitation de la communication des élèves parce qu’ils sont amenés à s’exprimer en français aussi librement que possible à travers des activités individuelles et collectives : exercices d’échauffement, situations de communication (formule « QQQOCCP »), activités « pour bouger un peu », autour de l’écrit, mimes, dramatisation, jeux de rôles, etc. Je trouve la formule « QQQOCCP » bien intéressante à utiliser à tout moment dans le cadre du travail, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. Sept questions simples et courtes sont posées : Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Combien ? Comment ? Pourquoi ? D’un côté, elles sont simples, de l'autre, ce type de travail donne libre cours à la créativité et à l’originalité de la réflexion.  

            Le second atelier invitait à répondre à la question « La grammaire est-elle rassurante ou inquiétante ? », en proposant des jeux autour de la grammaire française. Le jeu est un moment de classe très important. En jouant et en s’amusant, les élèves s’évadent de l’espace-classe et apprennent sans forcément s’en rendre compte, en agissant d’une manière plus intuitive. Les jeux autour de la grammaire présentés lors de cet atelier sont associés à des objectifs communicatifs et linguistiques. Ce sont des jeux de vitesse, de réflexion, d’imagination, de classement, de mémoire, de mimes…

Et bien sûr, je voulais réaliser mon expérience préférée, celle que je mène habituellement avec mes étudiants à leur retour du stage pédagogique à l’école secondaire. Je leur propose un atelier « Réflexions sur le métier de professeur ». D’abord j’organise une discussion sur les questions comme : Quelles sont les valeurs personnelles et professionnelles les plus importantes pour vous ? Quelles sont vos actions en classe lorsque vous agissez en fonction de telle ou telle valeur ? Un professeur idéal existe-t-il ? Et puis nous établissons des portraits créatifs de professeurs idéaux. J’étais très curieuse de connaitre un peu plus les collègues serbes et leur vision de notre métier de professeur. Ce genre de travail inspire bien, car il permet non seulement de prendre du recul par rapport à son expérience professionnelle, mais aussi de faire de la création dans une ambiance décontractée avec des rires et des sourires.

 

Depuis mes premiers pas sur la terre serbe jusqu’à l’embarquement dans l’avion de retour, j’ai été accueillie si chaleureusement et entourée d’attentions si gentilles que ce premier séjour en Serbie restera gravé dans ma mémoire.

Le président de l’association Ivan Jovanović et son équipe merveilleuse ont tout organisé impeccablement. Non seulement je suis satisfaite du travail accompli lors des ateliers, mais en plus, j'ai vécu des émotions fortes et ressenti du plaisir et de la joie dans nos échanges en dehors des cours.

« Vous savez, j’ai choisi votre atelier, parce que vous êtes russe ! »

« Mon grand-père était russe c’est pourquoi on m’a appelé Irina »

« Ma mère a beaucoup apprécié «Anna Karenina» de Tolstoï c’est pourquoi je m’appelle Anja »

« Et moi, je m’appelle Natacha, parce que ma mère adorait « La guerre et la paix » de Tolstoï ! »

« Pourriez-vous me donner un conseil : j’ai eu une nouvelle élève russe dans ma classe de français qui ne parle ni serbe ni français, juste un peu anglais. Comment pourrais-je travailler avec elle ? »

« Parlez-moi russe, s’il vous plait ! »

« C’est si intéressant et utile ce que vous nous proposez, merci beaucoup ! »

Les émotions ont submergé mon cœur pendant ces trois jours à Belgrade.

D’abord, deux jours de travail et de partages intenses avec les professeurs, puis une demi-journée de promenades avec Milena Milanovic, ma chère amie rencontrée lors d’un stage en 2012 à Paris, organisé par la Fédération internationale des professeurs de français.

J’ai poursuivi la découverte de la capitale avec la famille de Mirjana Radonic. Notre promenade a été si charmante, mes hôtes ont été si attentionnés !

 Je revois aujourd’hui les images de la ville, mais surtout je ressens encore et encore la chaleur des gens devenus chers avec lesquels j’ai vécu cette expérience de cœur… »